Coup de Gueule ou Coup de Blues...


 

Ben oui, pourquoi pas moi aussi...

Hier soir, ARTE nous a gratifié d'un Théma spécial consacré à John Lennon et la Paix...

(http://www.arte-tv.com/thema/lennon/ftext/programmefr.htm)

Façon très ARTEsienne de tenter un hommage à John pour le 20ème anniversaire de sa mort stupide .

Stupide comme toutes les morts, d'ailleurs, mais pas plus que la vie, dont on dit que c'est la maladie mortelle contagieuse (elle se transmet systématiquement à vos enfants) la plus répandue.

Une première partie de soirée consacrée à "Yoko et John" (dans cet ordre, ce qui laisse penser que la Veuve businesswoman n'est pas étrangère à ce document, dans laquelle elle apparaît complaisamment). Malgré tout, globalement assez intéressant.

On a droit, entre autres (de mémoire, dans le désordre), à John militant, John et la Reine, John et Jésus, John et le Maharishi, John contre Nixon (à moins que ce ne soit l'inverse)... Pour finir (mais c'est comme dans un film sur Jeanne d'Arc, on connaît la fin) par Mark Chapman contre John...

C'est saupoudré des indispensables considérations psychanalytiques (John n'a pas connu ses parents, a longtemps cherché une nouvelle Maman, est peut-être retombé en enfance auprès de Yoko, ...). Et la musique dans tout ça ?...

Le tout assez bien assemblé, entrecoupé d'interventions souvent pertinentes de penseurs, Prix Nobel de la Paix, et autres... Epargnés par le montage (ou oubli ?), de (trop) rares extraits de chansons s'intercalent de temps à autre.

Bon c'est le début de soirée, on est encore frais, c'est un bon remue-méninges pour qui s'intéresse à autre chose que le binaire en 12 mesures... Après tout, John a vraiment été aussi une grande figure du mouvement pacifiste de cette fin de Siècle.

Arrive ensuite un "Comment j'ai gagné la guerre" prometteur, puisque, antimilitariste d'une part, signé Richard Lester d'autre part, et enrichi d'un deuxième rôle confié à John. Pour une fois que Lester et un Beatle s'intéressent au moins autant au contenu qu'à la forme, on va se régaler....

Ben, en fait, non: d'abord c'est très teinté d'humour britannico-british imbittable... D'autres, style Monty Python ou la série Spitting Images, ont montré qu'ils pouvaient nous faire rire sans forcément que nous soyons nés de l'autre côté de la Manche. L'argument se résume à savoir comment construire un terrain de cricket derrière les lignes ennemies dans le désert libyen pendant la Seconde Guerre Mondiale. Quelques moments savoureux (un officier supérieur un peu à la masse se croyant encore à combattre les Pathans aux Indes, ou encore une séquence très "Lawrence D'Arabie", avec musique et tout...). Mais, dans le genre, un peu léger, à côté d'un "M.A.S.H." ou d'un "Dr Folamour", tous deux délirants mais joyeusement féroces, ou même, de choses nettement moins drôles, mais bouleversantes, comme "Johnny Got His Gun"....

C'est à peu près aussi direct et sincère qu'un "Bed-In" contre la guerre et la pauvreté, mis en scène par un couple en vogue depuis une chambre de palace, devant toutes les télés du monde.

Un peu assoupi, je suis alerté par le jingle qui ponctue et enchaîne les morceaux de Thema, annonçant le morceau de choix de la soirée, un concert. On peut apprécier John pour ses beaux yeux (?...), son militantisme singulier (quoique que farci de contradictions), son anticonformisme (ici aussi sujet à caution parfois), ou encore, comme héros-victime, tombé au champ d'honneur du malaise-de-la-jeunesse-de-cette-fin-de-vingtième-siècle. Mais ce qui le distingue avant tout, c'est de représenter l'un des piliers musicaux de ce siècle. Alors, un concert, j'en salive déjà....

Lennon tourne alors avec le tout nouveau Plastic Ono Band (ça fait vachement pop-art, comme nom...). C'est un de ces festivaux post-woodstockiens. Celui-là s'intitule Toronto Peace Festival pour plusieurs raisons: d'abord cela se passe à Toronto. Ensuite, "Peace" (and Love bien sûr...) c'est pour la bonne cause: il ne faut pas oublier que sur fond de Guerre du Vietnam, il était plus facile de réunir des contestataires au Canada qu'à Washington (Nixon avait parfois la matraque lourde...). Enfin ce sera festif... Et même assez rock, car un certain nombre de pointures sont présentes, excusez du peu: d'abord un certain Clapton, guitariste de son état, dont on ne sait plus s'il est membre à part entière ou invité permanent du Plastic Ono Band. Mais, surtout, histoire de rendre un hommage appuyé à leurs aînés, Lennon et Clapton ont invité, en première partie, Bo Diddley, Jerry Lee Lewis, Chuck Berry et Little Richard.

Je ne pense pas que la version visionnée soit la totalité du concert, enfin, j'espère, car chacun des quatre n'a droit qu'à un petit titre et puis s'en va...

Après un Bo Diddley trépidant, soutenu par une danseuse-choriste, disons remuante, Jerry Lee, bien qu'assis, joue du piano des "deux boots" (merci Philippe Barbot...). Chuck, sans surprises nous fait le pas du canard sur "Johnny Be Good", et enfin Little Richard clame son admiration pour "Lucille", à laquelle il va finir par ressembler, car il a déjà entamé son trip limite travestoche (ce qui en 1970 était assez précurseur).

Une mise en bouche de qualité, même si elle tient plus du document historique que de la nouveauté la plus inattendue. Arrivent alors Lennon et les autres, lui, en costume blanc façon Abbey Road (mais un peu plus de cheveux et de barbe).

Même si le réalisateur ne nous donne pas l'occasion de reconnaître le personnel qui soutient l'opération (sans doute trop inintéressants comparés à l'immense artiste qu'est Yoko), il nous gratifie au moins de temps à autre d'un plan sur Clapton. Rassurés qu'Eric flanque l'ex-Beatle, on se dit que tout cela promet...

Les deux compères nous gratifient de quelques rocks de bon aloi, mais sont très vite rejoints (c'est le mot...) par une Yoko plus démonstrative que jamais. Au début, elle se contente de brandir les feuilles de papier sur laquelle sont listés les titres... Histoire de nous faire comprendre que John doit être trop paumé pour se rappeler un set de 10 morceaux.

Ensuite cela se gâte, car même si musicalement les deux barbus continuent à assurer, il faut s'accrocher pour s'en rendre compte: l'ensemble est bientôt dévié, noyé, masqué par dame Yoko qui se met à vocaliser, bêler , hurler.

Finalement, j'ai oublié même les titres des quelques bonnes séquences de rock du début, (où tous deux montrent qu'en la matière, ils ne sont pas manchots....) pour ne retenir que cette image: fallait-il plus s'étonner de l'admiration béate de John pour l'amour de sa vie, ou s'amuser de la placidité appliquée de Clapton qui jette de temps à autre un regard anxieux ou navré à son copain John.... D'habitude plus décontracté, l'ami Eric s'applique de façon obstinée sur son jeu, sans doute pour ne pas éclater de rire...

J'ai quand même la cassette, et en triant bien, on doit pouvoir y retrouver quelques minutes de rare bonheur... Ah, si une bonne âme, munie d'un super logiciel, pouvait me déyokotiser la bande-son....

Je vais sans doute déchaîner des foudres, mais cela n'est pas sans me rappeler une autre épouse, blonde elle (paix à ses cendres), à qui son talentueux mari a réussi à faire croire qu'elle était rockeuse.

Bon, tout cela relativisera certainement les déviances d'un certain Paul recyclé dans la variétoche moderne pompière et pseudo-opéra.

ARTE, en cherchant bien, aurait certainement pu nous trouver un concert de John plus jouissif. Mais il sera dit qu'un concert militant ce doit forcément être improvisé, avec un son de merde, et, en fin de compte, chiant...

 

(LM, 8 Décembre 2000, twenty years after...)