Qui est vraiment Jean-Louis Aubert ? Le sait-il lui même ? Eternel adolescent pour certain, mémoire vivante d’un temps éteint ou très grand artiste en mal de reconnaissance individuelle. Rien de tout ça. Jean-Louis traîne sa petite entreprise en connaissant parfois la crise mais toujours à la recherche d’un mieux. Cet homme a des paroles d’or et de la musique simple. Non effectivement il le sait, sa musique ne changera pas le monde mais elle pourrait au moins nous le rendre plus supportable.

10 mois après sa sortie, « Comme un Accord » se porte t’il bien ?

 

Ouais, très bien. Je trouve en tout cas. Les gens, quand ils m’en parlent,  ont bien compris ce que j’ai voulu dire et c’est  le principal.

 

Cet album est une sorte de réconciliation après l’échec de Stockholm ?

D’où son nom ! Comme un accord de guitare pour pardonner. Mais sans le précédent je n’aurais sûrement pas fait celui là de cette manière. Dans chaque album c’est mon journal de bord du moment, je vois ma vie à travers eux.

C’est un album qui a eu de très bonnes critiques, aussi bien du public que des professionnels ?

  Il a été très bien accueilli et d’ailleurs cela  m’incite à continuer dans la même voix c’est à dire à faire des chansons simples. C’est un peu l’optique que j’ai pris pour la tournée qui arrive, sur scène cela sera plus électrique que sur l’album mais le thème principal ce sera  d’aller à l’essentiel. D’être assez rock. D’être bien en fait !

C’est un album très varié ?

Abondant dirons nous. J’y ai mis des choses plus  personnelles aussi. J’ai pris mon temps pour le réaliser et j’ai eu la possibilité d’être plus littéraire tout en m’apercevant que c’était bien aussi d’être spontané. J’ai fais un mix de toutes ces impressions.

 

Avec des musiciens nouveaux pour t’aider à le faire  ?

En fait ils m’ont conforté dans ma musique, dans la démarche. D’aller dans un sens et de protéger ce sens jusqu’au bout. Plus j’allais, plus je produisais moi même et plus j’avais des désirs, eux ils m’ont apporté un regard nouveau. Une force. En fait quand tu fais ta musique tout seul tu arrives à un moment où le pilier central ne se voit plus et c’est grâce à ces collaborations qu’on arrive à défricher pour ne garder que le primordial. 

 

Dans « Commun Accord » tu dis « La vie je l’aime encore », il y a eu un moment où tu as douté ?

Ouais y a des moments où tu te demandes (rire)… Pas la vie dans sa globalité mais tu te demandes si l’on ne pourrait pas essayer de faire plus simple. D’arrêter de se chercher des poux dans la tête. C’est peut être normal de passer par ces phases là. Cette chanson parle de l’étape  suivante, celle où paradoxalement c’est pas que tu trouves plus de temps pour rechercher mais au contraire c’est lorsque tu ne cherches plus que  là incroyablement tout d’un coup les choses t’apparaissent plus clairement. Comme si il y avait des trucs curieux qui peuvent paraître opposés mais qui font partie de la vie d’un homme. La réalité c’est pas tout d’un côté ou tout de l’autre.

Quand tu arrêtes de juger, de te dire si c’est bien ou pas bien, bhen finalement la vie tu peux l’aimer à nouveau.

C’est un peu ce qui t’est arrivé au niveau musical avant cet album ?

Oui, c’est vrai qu’après avoir cherché comment devait être le prochain disque, après avoir reçu toutes les données que j’avais du monde qui m’entoure au niveau musical ; par exemple j’adore le reggae, l’électronique, l’underground je me suis demandé : Et moi dans tout ça ? Si tu veux écouter de l’électro y a des mecs qui font très bien de l’éléctro, si tu veux écouter du Beatles ou les Stones il suffit de mettre un disque.  Je me suis dis qu’à force de vouloir mettre trop de toutes ces influences finalement  on arriverait plus à entendre la chanson. Tout ça pour en revenir à cette question essentielle dans mon travail « Dans ce foisonnement, qu’est ce que j’ai de spécifique ? »

 

Et la réponse ?

Je ne pourrais pas te la définir très clairement, disons ma voix, ma manière d’écrire, peut être ma manière de jouer de la guitare. Le fait que j’aime bien l’énergie et la simplicité. Par contre ce qui m’est apparu avec cet album c’est que j’étais pas obligé d’aimer que des gens qui font du rock.

La première à t’avoir fait prendre conscience de ça c’est Barbara ?

Oui. En fait je me suis dis qu’elle faisait de la musique totalement différente de la mienne mais que la démarche restait identique, on avait des points communs dans notre attitude un peu enfantine et en même temps une manière décalée de regarder le monde.

Au niveau de l’écriture, ta rencontre avec elle semble avoir modifié ta perception du texte ?

Disons que cela m’a incité à faire un effort (rire). Et quand je lui faisais écouter des trucs de « Stockholm » elle me disait toujours « on n’entend pas assez ta voix ». C’est pareil avec ceux qui m’ont accompagné sur « Commun Accord », ils me disaient toujours que j’avais une voix mais que je la cachais derrière des paravents musicaux. C’est quelque chose de nouveau pour moi. En tant que chanteur j’aime pas trop me regarder dans le miroir et comme je suis aussi musicien ce qui m’intéresse le plus dans les albums c’est la musique et c’est pas mal qu’on m’aide à me recentrer et Barabara m’a principalement aidé à ça.

La chanson « Veille sur moi » sur l’album Emmaüs Mouvement, était un hommage à l’abbé Pierre mais elle semble destiné à d’autres personnes ?

Je raconte toutes les personnes qui m’ont marqué dans cette chanson, mes amis, c’est un peu leur liberté que je raconte. Y en a qui sont encore là, d’autres qui sont partis mais je leur demande de faire en sorte que je garde la flamme, de me garder dans la ligne. Je devais choisir dans cette chanson entre la phrase « ne me laisse pas te trahir » ou « ne me laisse pas me trahir », évidement j’ai choisi « me  trahir » pour signifier que je dois faire gaffe que je fasse pas trop le con, en tout cas avec la base et la base c’est le concert tel qu’on le vit et le disque tel qu’on le fait après pour le reste je suis plus souple.

 

En parlant de souplesse, certains de tes fans te reprochent les connaissances que tu as actuellement ?

Je comprends qu’on s’inquiète (rire) mais en même temps rencontrer ces gens, comme Bruel par exemple, car c’est de lui dont on parle le plus, cela m’a vachement aidé. D’abord d’arrêter de dire non à tout le monde comme j’ai fais pendant 10 ans. Alors bien sur on m’emmerde moins quand c’est un duo avec Louise Attaque, mais Bruel a eu le mérite de découvrir des musiques que je connaissais pas, alors le personnage est ce qu’il est mais en même temps il a un tel abatage, c’est tellement un bosseur et dans son album le fond musical est pas dégueulasse du tout. J’ai été séduit par ça. Par le fait qu’il me fasse découvrir des chansons de blues des années 30. Par le fait qu’à un moment où j’étais bloqué dans la production de mon album, il m’a amené la bonne personne. Cette même personne qui bosse avec lui m’a dis de penser à Tom Waits, à Neil Young. C’est vrai que cela peut paraître aberrant mais je vois pas pourquoi les intégristes m’empêcheraient de traverser de temps en temps  le fleuve. Cette liberté j’y tiens. Je ne mens pas. Ca peut être perçu d’une façon plus ou moins douteuse, parfois c’est sur un plateau de télé mais je crois maintenant que c’est dommage de dire non parce qu’à chaque fois j’apprend quelque chose.  Bien sur je préférerais faire des duos avec les Stones c’est certain mais c’est pas toujours aussi facile, par exemple : j’avais fait un duo avec Placebo qui est plus proche de mon univers et malgré ça c’est jamais sorti. Il y a des gens dans le rock qui ne tendent pas forcement les bras. Y a des gens avec qui j’ai chanté dont je n’écoute jamais la musique mais c’est toujours intéressant de confronter des univers différents. Si j’étais resté purement rock j’aurais jamais rencontré Barbara, je ne me serais jamais aperçu que cette femme chantait le blues.

Qu’est ce que tu penses de certains chanteurs  de groupes mythiques qui sortent des albums solo et qui se font taper dessus en disant que ce n’est pas digne du groupe qu’il représente ?

C’est dommage de taper sur les mecs quand ils ont fait tellement de belles choses. Surtout qu’à un moment, quand ils vont mourir, on sera tous comme des benêts à encenser ce qu’ils ont fait. Et c’est ces mêmes journalistes qui sont les premiers à les descendre qui seront les premiers à les mettre sur un piédestal. Des fois il faudrait respecter ce qu’on a aimé. C’est comme se respecter nous même. Au moins en parler avec tendresse. Franchement, qu’est ce qu’on en a à foutre que Mick Jagger fasse un album solo qui soit moins bon, il a tellement donné.

Qu’est ce que tu comptes faire sur scène ? tes derniers passages dans la métropole lilloise ont laissé un super goût de « revenez’y » à tous tes spectateurs ?

Ca va être très basique. Je veux que cela sonne rock. Avec des morceaux de toutes les époques. Et je vais aussi utiliser la vidéo comme sur la précédente tournée. J’aime beaucoup ce retour à la simplicité, à l’essentiel. On sera 4 sur scène. Y aura pas mal de liberté et un retour à une musique très directe. Aux répétitions en tout cas cela déménage pas mal !

Choisir le Zénith cela te fait-il peur ?

Il est grand ?

Bhen oui !

Alors, venez nombreux cela me fera moins peur ! On a pris une option de tournée de grandes salles pour se bouleverser, pour alterner les plaisirs. On se retrouve toujours dans les mêmes salles et il était temps de changer. Cela permet d’emmener du bon matériel. En plus je peux plus revenir ailleurs, la dernière fois j’avais fais l’Aéronef mais il avait changé ! J’aimais beaucoup l’ancien Aéronef, j’adorais même.

En zieutant ton dossier de presse, j’ai vu une interview où tu parlais de Jean-Marie Messier quand il était au top de sa popularité et tu disais déjà qu’un jour on se rendrait compte de l’imposture. 

 

C’est que j’ai le temps de regarder. C’est peut être pour ça que je suis payé d’ailleurs (rire). C’est aussi parce que je vois le côté « artiste » qu’ont ces gens là. On dit toujours que j’ai l’air naïf, mais en fait c’est eux les naïfs. On dit que c’est des hommes d’affaires, qu’ils ont fait des grandes écoles mais en réalité c’est des gros naïfs. Quand tu crois que tu vas tous les niquer, que t’oublies les aspects humains de la vie, tu te trompes. C’est pas le fait d’avoir un yacht, une ferrari et quatre belles meufs qui te rendent heureux. C’est pas vrai. En Jamaïque par exemple il y a des gens riches qui bouffent de la merde et des gens pauvres qui goûtent la meilleure bouffe du monde et toute cette communauté est séparée par un mur avec des tessons de bouteilles et des gardes du corps. Et là tu te demandes qui garde qui.

La célébrité peut couper de la réalité ?

T’as qu’à regarder la télé, être célèbre avant d’avoir fait quelque chose qui plait, moi je dis que c’est une galère. Tu peux prendre le pari. Il a y a des mômes qui vont être très malheureux. C’est pas si facile, t’as ta liberté qui s’en va. Ils sont célèbres pour des choses qu’ils n’ont pas fait encore. Quand tu as réalisé quelque chose, quel que soit le prix tu peux te dire au moins j’ai fais ceci ou cela mais là on inverse tellement le truc que cela va être douloureux. Et en plus c’est la vision d’un artiste qui bosse beaucoup, mais il y a plein de gens qui bossent beaucoup, évidement ceux qui sont passionnés ils travaillent énormément mais ceux qui aiment le jardinage aussi ! Dire que tous les grands chanteurs savent faire des pompes, savent danser et même chanter avec une voix d’enfer c’est faux !

 

Surtout que l’on n’apprend pas à être un artiste dans une école ?

 

Moi ce que j’ai toujours acheté dans un disque, c’est la liberté du mec. Je trouve ça bizarre que le fait d’être enfermé… Mais ce truc c’est très puissant, on va tous en pâtir. Un jour on va plus jamais parlé de nous. Ce qu’on nous donne c’est déjà tout digéré. Ce que j’aime bien c’est lire entre les lignes mais là c’est des lignes déjà écrites. C’est comme de la culture intensive. Ca va faire comme la vache folle. On va plus maîtriser le jeu.

Alors tu t’échappes en Jamaïque ?

Oui c’est un pays adorable, très violent mais au moins la violence elle sort là bas. En plus ils chantent tous mieux que moi. Tout le génie du monde musical est réuni sur cette île et sur Cuba. Comme quoi le métissage c’est pas trop mauvais (rire).

Tu comptes adapter de la musique de là-bas ?

Peut être un jour… mais je me méfie… Un jour j’aimerais bien faire une carte-postale musicale de ces endroits. Une sorte de récréation.

 

Pour revenir à nos productions occidentales, qu’est ce que tu penses des superlatifs concernant les Strockes ou The Vines comme les « nouveaux… » ?

A partir du moment où il y a le mot « nouveau bazar » ou « nouveau bidule » j’y crois pas du tout. Je trouve le référencage trop réducteur. Mais c’est les journalistes qui recherchent une teinture profonde qu’ils ne trouvent plus. Disons que cette teinture ils devraient pas la chercher dans les « nouveaux pareils que »

 

J’aimerais savoir pour finir qu’est ce qui pourrait te rendre encore plus heureux ?

Une cabane au bord de la mer ! ou plutôt trois cabanes dans trois coins : dans un arbre, une au bord de l’eau et sur un toit dans Paris. Avec un lit très dur et une bonne bibliothèque.

Pierre Derensy.