MELVIL POUPAUD

Melvil Poupaud, artiste complet, développant une palette de dons tous plus maîtrisés les uns que les autres. Homme sans qualité particulière mais avec sacrément de talents artistiques. Et c’est ce qui compte quand on vient annoncer l’arrivée d’un album qui s’appelle « Un Simple Appareil »…

Choisir « Un simple appareil » comme titre d’album c’est pour enlever toute prétention qu’on essayerait de te coller dès le départ ?

Pas vraiment, j’ai choisi ce titre parce que j’aimais bien la phrase. J’aime bien prendre des expressions toutes faites et changer leur sens dans la chanson, comme dans « Sortie de l’auberge » ou un « simple appareil », pis c’est pas pour le fait de ce que ça veut dire, c’est aussi pour le contraste entre le Simple et un Appareil, entre quelque chose de simple et quelque chose de mécanique.

Le côté pop de l’album semble couler l’idée d’un rock abrasif qui collerait à tes baskets ?

« Rock » j’avais déjà le groupe MUD, on se marrait avec des trucs plus électriques dans lequel je jouais de la gratte, mais moi mon trip musical c’est quelque chose d’un peu plus doux, de plus musical. Et puis j’ai pas essayé de faire un truc trop branché. Pas electro ou agressif. J’ai essayé de faire un truc léger et facile à écouter.

Un bon disque de variété française…

Oui pourquoi pas, il se trouve que c’est venu comme ça, assez naturellement. En chanson française j’écoute très peu de chose, j’aime bien Léo Ferré, Gainsbourg… sinon FFF, M… Mais en ce moment mon truc c’est des musiques brésiliennes.

C’est la raison qui fait que ton album est parsemé d’air de bossa ?

Oui, en ce moment je vais beaucoup au Portugal et c’est là bas que j’écoute la musique sud-américaine et j’essaye de me perfectionner dans ce genre.

Pourquoi ne pas avoir continué avec MUD. C’était devenu impossible ?

Non, MUD on continuera de faire de la musique, on essayera de faire un autre album ensemble. Mais là, par rapport aux textes, à la couleur de l’album, c’était plus un trip personnel. Quelque chose qui me ressemble moi : Melvil Poupaud. En plus, le disque je l’ai fais essentiellement avec mon frère, c’est donc plus un truc familial et c’est normal qu’il porte mon nom personnel. Je compose mes maquettes chez moi, et j’avais envie de faire un disque personnel.

Choisir ton frère Yarol pour t’accompagner, produire cet album, c’est quelque chose qui allait de soi ?

Je l’ai pas choisi, je ferais toujours de la musique avec lui. Je profite de son savoir faire, de son expérience, de ses goûts, de son éclectisme. De son jeu de guitare, de son jeu de basse. Pour moi c’est vraiment un super musicien. On est vraiment sur la même longueur d’onde.

En regardant tous les instruments dont tu joues sur l’album, on se dit que tu t’es d’abord fait un plaisir de musicien ? (guitare, piano, percussion, Wurlizer, basse…)

En studio, avec mon frère on se marre à faire tourner les instruments. Moi je joue un peu de basse, de batterie, sur certains titres c’est moi qui avait l’idée d’un morceau, sur d’autres c’était Yarol. On s’est amusé à faire des petites mélodies au synthé. C’était comme un jeu. Quand on fait de la musique on est tout le temps en train de s’amuser. Comme quand on est môme et qu’on joue aux cow-boys et aux indiens. Une sorte de  ping-pong :  Je prend la guitare, tu prends la batterie. 

J’ai su que l’album avait eu du mal à voir le jour, c’est un défaut de perfectionnisme ?

On a mis pas mal de temps à enregistrer le disque.  J’ai surtout mis du temps à faire les voix. C’est la partie qui m’a demandé le plus de travail. J’enregistrais une voix, j’étais pas content, je laissais tomber… je revenais dessus. J’ai pu avoir du recul sur certains morceaux et revenir sur des parties, réécrire les textes. Même des morceaux que j’avais au début et que j’ai laissé tombé parce qu’ils ne me plaisaient plus….

Comme c’est un album qu’on a enregistré dans un studio modeste sans un matos de folie, on a pu bosser dix jours, s’arrêter, revenir, reprendre les morceaux pendant 3 jours. Le luxe c’est qu’on nous a laissé nous amuser en travaillant.

Dans « Un simple appareil » tu vas à contre-courant de ceux qui disent que le bonheur est dans le pré ? Tu leur demande de regarder ailleurs que devant leur fenêtre ? D’aller voir ailleurs ?

Oui et par rapport à la télé aussi. Par rapport aux images qu’on reçoit de la télé ou des magazines ou de la radio. Toutes les idées que la société formate. Je suis pas paranoïaque donc j’appellerais pas ça de la manipulation, mais disons une pensée toute faite.

A ce sujet, les derniers évènements politiques t’ont amené à t’engager  ?

Pas vraiment. Evidemment, j’étais affligé mais j’ai du mal à me reconnaître dans un parti politique. Aussi bien que j’ai du mal à me reconnaître dans un seul style de musique ou dans un groupe en général. J’ai du mal à m’identifier à des gens ou à des choses. 

« La fée qualité » c’est une façon de dire « je t’aime » autrement ?

Pas vraiment. Non, en fait c’est à prendre au premier degré. C’est pour se moquer de filles qui ont l’impression d’avoir toutes les qualités du monde et qui vous agressent avec leur savoir, leur beauté, leur façon de danser et qui en oublient d’être naturelles.

Tu sembles très pudique dans tes textes ?

J’ai essayé d’être le plus simple possible. Le plus proche de ce que je pouvais ressentir sans essayer de trouver des mots ou des images trop compliqués. Je tourne autour du pot mais j’aime bien ça.

« Je suis un fantôme » en ghost track c’est dommage pour ceux qui n’iraient pas jusqu’au bout de l’album ?

C’est un clin d’œil, un coup de bol qu’on a eu. C’est une chanson qu’on a faite vite fait. Le dernier jour du mixage on s’est fait un délire. Et comme ça sonnait bien on l’a mis sur l’album. Mais bon c’est un plus, peut être un truc à explorer sur le prochain album.

Est ce qu’on livre plus de soi en composant un titre ou en jouant un rôle au cinéma ?

Sans hésiter : en composant un titre. C’est beaucoup plus personnel une chanson… sauf si je réalisais un film, là ce serait différent. Mais en tant que comédien il n’y a évidemment aucune   comparaison possible. Parce que même si j’essaye de trouver des rôles dans lequel je me retrouve, des films avec des metteurs en scène dont je me sens proche c’est quand même pas ma responsabilité. Si je devais choisir entre la musique et le cinéma, je choisirais la musique. C’est à dire que la musique je n’ai besoin de personne, je peux toujours prendre une guitare et composer une chanson, alors qu’en tant que comédien je dois attendre qu’on me propose des rôles. C’est vachement plus aléatoire. C’est souvent une question de chance le cinéma, alors que la musique on décide soi-même de se mettre au travail.

Tu comptes défendre ton album sur scène ?

Oui à la rentrée on compte faire des concerts dans les bars. Juste Yarol et moi à la guitare sèche, des concerts acoustiques.

Tu es préparé à ça ? Tu n’as pas trop d’inquiétude pour le passage sur les planches ?

Bhen en fait ça demande tellement de concentration pour jouer de la guitare et chanter que finalement j’ai pas le temps d’avoir peur. Comme les chansons je les ai composées juste : guitare-voix, sur scène plutôt que tout de suite monter un groupe et de faire beaucoup de bruit, j’ai préféré faire quelque chose de beaucoup plus acoustique.

Avoir des envies dans divers univers c’est un plus pour ton épanouissement ou alors as tu peur de t’essouffler à courir trop de lièvres à la fois ?

J’ai pas peur de m’essouffler parce que je fais les trucs quand j’en ai envie. C’est mon désir. Et du jour ou je serais essoufflé, bhen  j’arrêterais de courir mais en ce moment j’ai plutôt envie de tracer.

Crois tu que c’est plus dur pour toi qui est déjà connu de sortir un album ou pour un néophyte ?

C’est plus dur pour un nouveau venu. Le principal quand on sort un disque c’est quand même que les gens en parlent. Même si c’est pour en parler en disant des conneries, faire des commentaires désagréables c’est toujours mieux que de passer inaperçu. Et en plus les étiquettes je m’en fous complètement. Je suis content de ce que j’ai fait. Si ça plaît tant mieux et si ça ne plaît pas c’est pas de ma faute.

J’aimerais savoir, quelle est la réaction et de qui, dont tu es le plus fier quand tu as fais écouter ton disque ?

Je crois que c’était pendant l’enregistrement. C’était le regard, l’écoute de mon frère. C’est pour lui que c’était le plus important que cela plaise.

Pierre Derensy.